Antarctique – 13 et 14 mars

Le voyage touche à sa fin et j’ai l’impression d’être partie des années… Le dépaysement est tel, la coupure avec le monde extérieur tellement importante que le temps semble s’être arrêté. Hier nous avons passé notre dernier jour à terre à Paradise Harbour qui porte si justement son nom. Nous sommes sur le continent lui-même et les paysages qui s’offrent à nous resteront gravés dans ma mémoire pour la vie toute entière. Je ne m’attendais pas à une telle beauté. J’avais fait le choix de ne rien regarder, que ce soit photos, vidéos ou autres avant de partir. J’avais seulement en mémoire quelques stéréotypes du style : glace et pingouins. Mais je ne pensais pas voir autant de relief. Nous avons fini la journée hier en haut d’un petit piton rocheux tout à fait idéal à escaler avec des bottes en caoutchouc… le temps était tel, tellement parfait que nous avons tous posé nos blousons et profiter à fond des rayons si dangereux d’un soleil traite non protégé de sa couche protectrice d’ozone, disparue au fil du temps par notre inconscience et notre désir du toujours plus de progrès et de confort. Le retour vers les zodiacs s’est fait sur les fesses, en glissages improbables rendues possibles par le port obligatoire de pantalons imperméables. J’avais d’abord décidé de me la jouer prudente et de ne pas prendre de risque, ce n’est pas tout ça mais j’ai un autre marathon dans 8 jours moi. Et finalement au bout de 10 m de descente dans 30 cm de poudreuse, je suis tombée… Je me suis alors dit : « allez de toute façon tu es déjà par terre ! ». J’ai fini tête la première sans trop savoir comment, les fesses mouillées mais heureuse de ma petite glissade. L’ambiance était assez surréaliste et je ne suis pas prête d’oublier certaines personnes comme ce professeur d’université souriant comme un gamin qu’il est redevenu pendant ces quelques brefs instants d’insouciance. Comment vous faire partager tout ce que j’ai vu et entendu ? Comment vous expliquer le bruit de la glace ? Il y a le petit bruit tel des rice crispies dans un bol de matin quand vous rajoutez le lait ; il y a le bruit effrayant de tonnes de glace qui s’effondrent dans l’océan provoquant des vagues qui peuvent être dangereuses pour les zodiacs. On sent partout que la nature est vivante dans tous les sens du terme. Nous ne maîtrisons rien, c’est elle qui redevient maîtresse des lieux, nous laissant quelques instants de notre vie profiter de sa beauté infinie. Je comprends mieux maintenant le message que l’organisateur de cette expédition veut nous faire passer. On nous dit tous les jours que nous sommes devenus des ambassadeurs de ce continent, faisant maintenant partie des petits chanceux qui ont pu le découvrir. Sur le coup je trouvais ça quelque peu exagéré mais maintenant je comprends mieux le message. Je veux une chose aujourd’hui : que mes enfants, mes petits enfants aient la chance de voir l’Antarctique un jour et pour cela il va falloir faire ce qu’il faut. Et il faut gérer le côté assez paradoxal d’être obligé d’amener des touristes là pour qu’ils prennent conscience du mal que notre style de vie est en train de faire. Faut-il polluer cette zone encore plus ? Faut-il interdire toute venue ? Faut-il même interdire les scientifiques ? Leur présence n’est pas sans conséquence sur ce territoire et alors qu’on nous demande de limiter au maximum notre impact, les chinois et autres pays représentés utilisent 4x4 et quads pour se déplacer. Il a fallu construire des citernes de fuel pour permettre les déplacements des véhicules sur King George et je n’ai pas trouvé ça du meilleur goût esthétiquement parlant… Autre paradoxe : la politique. Alors que sur certaines îles nous avons vu des débris dus à de précédentes tempêtes, le règlement interdit à ceux qui ne sont pas des représentants légaux du pays se les ramasser. On nous interdit de laisser des déchets mais on nous interdit également de les ramasser… Avouez que c’est vraiment spécial… Nous avons quitté le 7° continent en buvant un verre (encore me direz-vous…) sous le soleil, le cœur gros et le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’assez exceptionnel. Il est évident que le marathon n’est vraiment qu’un prétexte au milieu de tout ça. Il nous parait d’ailleurs à des années lumières ! Quoi un marathon ? Vous êtes sur ? Il a fallu que Thom me remette ma médaille ce matin pour que cela me revienne à la mémoire. En tout cas je suis déjà dans l’après. Certes je vais finir mon tour du monde, commencer à me préparer à la trans’aq et aux autres courses prévues pour 2009 mais maintenant je sais que je ne pourrai plus envisager un marathon sans quelque chose d’autre autour. Tout me paraîtra tellement fade sans baleine au réveil, sans colonie de pingouins prenant leur bain après un petit passage dans la boue. C’est le premier voyage organisé que je fais, où nous sommes pris en main du matin jusqu’au soir et finalement tout s’est plutôt bien passé. Je ne pensais pas m’adapter aussi facilement à ce type de vie en communauté. Certes j’ai eu de la chance avec Lisa dans un premier temps et Heather dans un deuxième avec 2 stéréotypes d’américaines, parlant un peu fort avec leur visage si expressif. J’ai découvert des personnes très attachantes, très intéressantes. Les américains ont cet avantage sur nous qu’ils sont souvent très positifs, ils se réjouissent de tout, pleurent quand ils voient une baleine, n’hésitent à exprimer ouvertement leur sentiment. Mais bon il faut reconnaître qu’hier soir à minuit, ceux qui faisaient bouger le bateau à force de sauter sur place c’était plutôt les européens…
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