Antarctique – lundi 9 mars
Il fait encore nuit, le bateau est silencieux et je suis déjà debout depuis plus d’une heure et demi. La faute à ma nullité question fuseau horaire… Hier soir j’ai programmé mon réveil pour être à la salle de gym à 5h pour mon dernier entraînement avant le marathon. Ce n’est pas la peine de me dire qu’il ne faut pas courir la veille, qu’il faut s’économiser et tout et tout je l’ai entendu tout le long du dîner hier soir. Mais je sais aussi que normalement la veille d’un marathon je ne suis jamais confinée dans un bateau et encore moins dans une cabine qui certes pourrait se louer facilement 1000€ par mois à Paris mais qui ne suffit pas à me fournir assez d’oxygène.
Le problème donc c’est que je pensais, je ne sais pas pourquoi que nous avions 3h de décalage avec la France. Ne voulant pas toucher à l’heure sur mon portable qui me sert également de réveil et qui ainsi me permet d’avoir une idée de ce que sont en train de faire mes enfants, j’ai donc programmé la sonnerie pour 5h du matin ici. Mauvais calcul de ma part puisqu’à 4h10 j’étais déjà en train de courir sur le tapis. C’est seulement en remontant dans ma cabine que j’ai constaté que contrairement à la veille il faisait encore nuit, que ma coloc qui devait se lever à 6h dormait encore profondément et que la pendule de la bibliothèque où je vous écris actuellement indiquait 5h20 et non 6h20 comme elle aurait du. Bon l’avantage c’est que pour le coup à 4h30 du mat on ne se battait pas du côté des tapis de gym !!! Maintenant il est évident que je vais devoir faire une petite sieste cet après midi et me coucher tôt ce soir parce que sinon je vais payer ça très cher demain.
Je sais que ce n’est pas bien mais j’ai besoin de me défouler un peu. Nous vivons tous confiner sur ce bateau qui même s’il est franchement beaucoup plus confortable que je ne me l’imaginais, n’en reste pas moins un bateau, ancien brise glace reconverti en bateau croisière. Le plus dur pour moi en fait c’est l’alimentation. Je mange très bien, ne vous inquiétez pas, non le problème c’est que justement je mange trop bien… Certes il n’y a plus les petits grignotages dans le placard mais les petits déjeuners américains sont dignes de vrais repas et pourraient sans problème nous tenir lieu d’unique repas journalier justement. Le chef nous concocte des soupes à tomber par terre mais rarement dans le genre « petit bouillon de légumes dégraissé »… Et les cookies tout juste sortis du four pour le goûter m’achèvent littéralement. Une chose me sauve tout de même c’est que le service se fait à l’assiette, ce qui ne me permet de me resservir 3 fois.
Il me faut maintenant aller me doucher pour me préparer au lever du jour et je l’espère à la vision d’icebergs tant attendus. C’est assez bizarre de reprendre mon texte là où je l’ai laissé mais bon c’est comme ça. Alors nous sommes bien arrivés à destination mais pas d’iceberg à l’horizon je le crains. Certes nous avons la terre en vue mais elle est finalement très peu neigeuse. Le temps est très couvert ce qui n’arrange pas les choses il faut bien l’avouer. Allez je l’avoue : je suis déçue… Bien sur ce n’est que le premier jour et si le bateau s’arrête là c’est que nous nous trouvons dans une zone où ils ont pu construire un semblant de village donc ce n’est pas la banquise. Ce qui m’inquiète vraiment aujourd’hui c’est le vent…Il est très froid, plutôt violent avec des bourrasques régulières qui vous laissent sur place. Je me dis qu’un marathon dans ces conditions, cela va plus tenir de la randonnée qu’autre chose, il ne faut pas se mentir. J’ai fini Puerto Montt dans ces conditions et je sais ce que cela donne au bout de 10 km, alors pour tout un marathon je n’ose l’imaginer. J’ai aussi le souci de mes oreilles. Pourtant plus petites que la moyenne (ce n’est pas moi qui le dit mais je ne peux pas utiliser d’oreillettes et autres accessoires, ils ne tiennent pas…), elles sont gelées en quelques minutes malgré mon bandeau en polaire. Il va falloir que je trouve une solution pour demain sinon cela risque de devenir vraiment pénible. La mer est moyenne et je pense que la balade en zodiac risque d’être relativement inconfortable pour mes lombaires… Mais bon j’ai tellement envie de mettre enfin le nez dehors que cela en vaut la peine. Nous avons appris que l’autre bateau apparemment parti après nous serait en train d’essuyer la tempête que nous avons évitée de justesse. Je pense sincèrement très fort à mon copain finlandais suédois français à bord qui, même s’il doit avoir du sang de navigateur, doit moyennement apprécié la balade…
Ça y est j’ai enfin mis le nez dehors !!! Alléluia !!! Oserais-je dire que je suis déçue ? Alors oui j’ose. Je sais que cela peut paraître idiot pour beaucoup mais je m’attendais à voir des icebergs surgirent de nulle part, à de la glace partout et il faut reconnaître que nous en sommes loin, très loin… Je retrouve la roche noire, volcanique des montagnes chiliennes. Alors qu’on nous parle d’écologie, de préservation de la nature à tout bout de champ, les bases scientifiques sont tout sauf intégrer au paysage. Heureusement que les petites églises en bois posées ça et là donnent un côté un peu humain à tout ça. Nous n’avons fait qu’une croisière en zodiac, donc pas d’accostage et pas de balade avec les pingouins, c’est au programme mais après le marathon. Je suis au moins ravie d’une chose : mon blouson acheté en super solde chez D4 et mon pantalon imperméable premier prix remplissent parfaitement leur rôle. Quand je vois que certains sont totalement gelés dans des tenues hors de prix, je suis plutôt contente de moi. Par contre j’ai du aller m’équiper de gants en polaire pour les autres sorties prévues à la boutique du bateau parce que mes gants de course ne sont absolument pas suffisant quand on reste statique. C’est assez idiot de ma part puisque bien sur j’en ai plusieurs paires à la maison mais bon je suis une fille et qui dit fille dit shopping non ? J’en ai profité pour acheter des charmantes paires de chaussettes avec pingouins pour toute la famille ! Ca va les changer des tee-shirts…
A retour sur le bateau, réchauffée par une douche bien chaude et un cookie brûlant tout juste sorti du four, nous analysons le parcours avec Patrick et surtout son relief. En gros une montée qui ressemble à une vraie montée presque dès le début et comme nous faisons 2 fois le parcours, je peux espérer la vivre correctement puisqu’elle ne sera pas située comme d’habitude au 35° km, là où on commence à ne plus pouvoir marcher. Seule inquiétude qui a l’air de se confirmer de plus en plus : le vent… Je le crains plus que tout parce qu’il refroidit très vite et lorsqu’on transpire, il n’y a pas pire pour attraper la mort. Autre souci à gérer également : l’aller en bateau où il faut se mouiller le moins possible, le changement de tenue dans un cadre prévu pour tout sauf pour un striptease et le retour en zodiac toujours après la course. Là il faudra de nouveau tout faire pour ne pas chopper la mort avec vent, froid et arrosage d’eau de mer tout ce qu’il y a de plus revigorant. Je sais que l’eau glacée c’est bon pour la récup mais franchement si on pouvait attendre que je me sois réchauffée, douchée et restaurée, ça m’irait tout à fait !
Ce soir briefing pour la course où je vais essayer de comprendre 2 mots et buffet de pâtes ! Si ce n’est pas le bonheur ça y ressemble furieusement quand même… Je dois me coucher tôt parce qu’avec un réveil à 4h00 du mat et finalement pas de sieste j’ai besoin de dormir pour espérer ne pas tomber de sommeil demain matin. L’avantage c’est que nous sommes à l’ancre dans une baie donc la mer devrait être plus calme et le repos plus facile. Demain c’est le grand jour ! Celui que finalement j’attends depuis le plus longtemps, celui qui a tout déclanché. J’espère être à la hauteur en tout cas.