Premier jour de mer pour nous et découverte de ce que peut ressentir une personne saoule du matin au soir… Vous savez cette sensation que le sol n’est pas droit, que la terre tourne plus vite que vous… La mer a commencé à bouger cette nuit en fait mais au fond de votre couchette ça tient plus de la berceuse qu’autre chose. Vous êtes plutôt bien au chaud sous votre petite couette. Et oui ce ne sont pas des draps usés et des couvertures qui grattent mais des petites couettes bien agréables ma foi ! Sans parler du petit chocolat sur l’oreiller… C’est vraiment un service digne d’un hôtel qu’on nous offre là. Ce matin le temps du petit déjeuner notre cabine avait été nettoyée, rangée, nos lits faits !
Un petit souci si on peut appeler ça un souci d’ailleurs, nous partageons en fait notre douche avec la chambre voisine. Alors avec la politesse de rigueur entre américaines, ça donne du « oh no after you ! no no after you ». Du coup j’ai fait ma française et régler tout ça en 2 sec. « Ok me in first ». J’ai donc inauguré la douche et découvert qu’avec l’évacuation laborieuse je pouvais prendre un bain en même temps !!! L’eau est bien chaude et nous avons un débit qui ressemble à un vrai débit, ce qui m’a permis de me laver les cheveux et de surtout les rincer sans grand souci. Eh oui que voulez vous nous avons des problèmes graves nous les filles !
Petit déjeuner à l’américaine, buffet avec des œufs, du bacon, une montagne de fruits, céréales et autres trucs absolument pas caloriques… Pas de doute il va me falloir aller faire de l’exercice sous peine de faire ce marathon en roulant sur moi-même. Il y a une toute petite salle avec un tapis de course, un rameur et si mes souvenirs sont bon un vélo d’appartement donc je vais pouvoir me défouler un peu. Seul problème et non des moindres j’ai oublié ma jolie jupette et tout le reste de ma tenue au demeurant à Buenos Aires… Je n’ai que ma tenue pour le froid. J’ai donc décidé d’utiliser mon skin déchiré qui ne me sert plus que pour l’avion pour aller courir. Patrick qui repasse à Buenos Aires passera à l’hôtel pour la récupérer et la confiera à des amis français qui viennent courir le marathon de Paris. Je suis furieuse après moi mais bon c’est comme ça. J’espère juste que l’hôtel va la conserver. Tout un groupe de coureurs américains y retournent pour une nuit et ont laissé leurs vêtements là bas, j’ose espérer qu’ils vont avoir la bonne idée de se dire que peut être je fais partie du groupe. Ce matin première réunion pour la sécurité à bord des zodiacs. Il faut se rendre à l’évidence : ne pas du tout parler anglais et venir ici est une hérésie complète ! J’ai vaguement compris quelques mots et je compte sur les canadiens présents pour avoir un résumé rapide des principaux points évoqués. C’est clair qu’il vous faut pratiquer la langue de Shakespeare si vous voulez profiter au maximum de votre séjour ici.
Il est d’ailleurs temps de vous parler un peu des gens qui composent le groupe de fêlés du bocal prêts à aller courir sur de la neige, dans le vent et le froid. Comme je vous le disais dans un précédent message, j’ai vraiment été très surprise de la jeunesse du groupe. Moi qui m’attendais à pleins de petites japonaises légèrement voûtées, je me retrouve face à des américaines immenses et solidement amarrées au bateau. Beaucoup de femmes célibataires donc, de couples dans la quarantaine dirons nous et quelques couples qui ont du mal lire la brochure et qui n’ont toujours pas compris que le but de la balade c’était d’aller courir un marathon… Bon là c’est moi qui exagère puisque mon expérience sur course m’a appris qu’il faut se méfier des cartes vermeils !!! Je n’ose demander à tous ces jeunes couples également comment ils font pour financer si jeunes un tel voyage mais dès que nous discutons un peu je comprends vite que j’ai à faire à des cadres sup, jeunes mariés, qui ont de toute façon 15 jours de vacances pour an et encore quand ils osent les prendre, et pas l’intention de fonder une famille avant une très longue période. C’est vrai que nous n’avons pas forcément l’habitude en France d’entendre : « j’économise pendant au moins 5 ans avant de pouvoir envisager de faire un bébé… ». Alors du coup ils investissent tout dans 10 jours de vacances à l’autre bout du monde. Ils n’ont jamais couru de marathon ? Et alors où est le problème ? Ils ont envie de le faire alors ils le font. Beaucoup n’ont que 3 ou 4 marathons à leur actif sur plusieurs années, ce ne sont pas du tout les enragés du bitume que je m’attendais un peu à trouver. Je l’ai aussi déjà dit, je suis sidérée du nombre de coureurs inscrits pour le semi marathon. Certes très souvent il s’agit des épouses qui se contentent de 21 km quand leur cher et tendre se lance dans la distance mythique mais il y a aussi des personnes seules. Je reconnais que mon opinion est sûrement faussée par mon coté enragé de la distance reine mais aller payer la même chose que nous pour seulement un semi j’ai du mal à comprendre. Mais comme ici tout le monde trouve tout « wonderful », « amazing » tout est bien dans le meilleur des mondes.
Après mes 2 réunions de présentation (sécurité sur le zodiac et le bon usage des règles concernant la protection de l’Antarctique), je suis allée faire un petit tour du côté de la salle de gym, enfin pièce de gym serait plus exacte. Mais elle a l’avantage d’exister parce que moi hier je me voyais très renouveler l’expérience du marathon sur le bateau tellement les baskets me démangeaient. Rester à ne rien faire sur le bateau hormis manger ce n’est pas trop mon truc. J’ai retrouvé Lisa ma grande copine et après quelques problèmes de réglage j’ai fini par réussir à courir un peu sur le tapis. Vous avez déjà essayé de courir sur un tapis qui bouge dans tous les sens vous ? Et bien moi ça y est ! Ah ça question travail de l’équilibre il n’y a pas mieux mais la vitesse on oublie. Il faut toujours avoir une main prête pour se rattraper au vol et rester très concentrée. J’ai d’ailleurs failli tomber du tapis à cause d’une minute d’inattention. Mais ça fait du bien de transpirer un peu. Séance d’abdos pour compléter et c’est l’esprit tranquille que je vais pouvoir aller déjeuner. Je pense retourner faire un peu de vélo cet après midi, tranquille avec mon livre.
C’est très étrange pour moi de vous écrire comme ça tous les jours sans avoir vos réactions, j’ai l’impression de vous raconter des trucs totalement sans intérêt mais ma vie à bord n’est pas non plus digne de la couverture de Voici !!!
Me voilà revenue sur mon clavier pour vous raconter mon après midi. Remplie de pleins de bonnes intentions du style : « ce midi tu te calmes et tu sautes le dessert ! » j’ai bien sur profité à fond de la soupe de poulet typiquement américaine dont un seul bol suffirait à apporter la portion calorique nécessaire à la survie sur la banquise pendant 3 jours, de la salade composée (vous avez vu hein je suis sérieuse pendant au moins 3 min !) et du dessert qu’hélas je ne pouvais pas rater à savoir boule de glace vanille avec dulce de leche et tranche de quatre quart en dessous pour éviter que la boule de glace ne se balade en raison du roulis permanent (ce qu’ils sont malins les cuisiniers russes quand même)… Nous nous sommes d’ailleurs bien marré ma copine Lisa et moi quand nous avons lu le dessert sur le menu. Nous nous sommes regardées toutes les 2 et nous avons éclaté de rire. Rien qu’avec le regard nous avons compris que toutes les 2 nous voulions rester raisonnable mais que toutes les 2 nous ne pouvions pas résister.
Cet après –midi projection et explication autour des différentes expéditions qui ont rendu célèbre l’Antarctique. J’ai craqué je l’avoue… Je suis fatiguée d’essayer de comprendre quelque chose à ce qu’on me raconte toute la journée et c’est donc un peu dépitée que j’ai rejoint le bar, non pas pour noyer mon chagrin de ne pas parler anglais dans la bière, je vous rassure mais pour voir si la vidéothèque ne recèle pas quelques films au moins sous-titrés en français. J’ai fini par trouver un documentaire sur « l’Endurance », célèbre expédition menée par Shackleton, anglais relativement prétentieux s’il en est mais qui a tout fait pour sauver ses hommes, ce qui l’honore. Vous connaissez la devise de sa famille ? « Par l’endurance, nous conquérons » ! C’est pas beau ça Je sens que j’ai trouvé la phrase qui va être imprimée sur mon tee shirt à Millau moi !!!
Bon pour éliminer la glace je suis quand même retournée à la gym pour faire une heure de vélo… J’ai discuté quelques minutes avec une américaine qui a, tenez vous bien, 120 marathons à son compteur, et qui fait ma foi 10 ans de moins que son âge. Je sens que je vais continuer la course à pied moi. Le dîner a été quelque peu agité et pas seulement à cause de la mer qui s’est décidée à montrer de quoi elle était capable… Thom, l’organisateur, a décidé de mettre un peu la pression au sein des coureurs a affiché la liste des meilleurs temps obtenus l’année dernière sur marathon pour les participants inscrits. Pour les hommes nous avons plusieurs candidats avec un temps inférieur à 3h et pour les femmes, Lisa ma copine est la première avec 3h23 pour son dernier marathon. J’ai découvert que pour ma part, suite certainement à mon niveau d’anglais pathétique, j’ai indiqué le temps de mon dernier marathon 2008, à savoir La Rochelle avec Arnaud. Mais cela suffit à me permettre d’être dans la 2° vague à savoir celle des coureurs considérés comme plus rapides et de pouvoir ainsi courir avec Lisa. Nous allons essayer de courir ce marathon toutes les 2. Elle a la vitesse mais moi j’ai l’expérience du trail qu’elle n’a pas. Enfin expérience c’est vite dit quand même mais j’ai survécu à la Saintelyon ce qui est déjà ça. Nous avons passé le reste du dîner à élaborer des plans pour éliminer nos ennemies et concurrentes. J’ai proposé dans l’ordre : le savonnage des escaliers, le poussage par inadvertance du zodiac. Lisa est plus sournoise avec l’usage de médicaments ni vu ni connu dans le verre de vin gentiment offert au bar…
Nous avons fini la soirée au fameux bar justement avec un texan à la guitare qui a revisité tout le répertoire country. Demain c’est la journée de la femme et la tradition russe veut que ce jour là hommes et femmes échangent leur vie pour 24h. Comme le personnel est en partie russe à bord, ils ont préféré nous prévenir… C’est exactement le thème du livre que je viens de finir et qui est devenu un film à succès avec Sophie Marceau et Dany Boon.
La mer est agitée et je me prépare à une nuit un peu moins facile que la première. A demain